L’exercice du droit de retrait dans la fonction publique dans le contexte de la crise sanitaire

La crise sanitaire actuelle peut inciter beaucoup d’agents de la fonction publique à exercer leur droit de retrait. A l’heure où les masques sont toujours en quantité insuffisante, des agents peuvent en effet souhaiter exercer leur droit de retrait pour se protéger et protéger leurs familles. Néanmoins, l’exercice du droit de retrait viendrait à l’encontre du devoir d’obéissance hiérarchique auquel ils sont soumis ainsi qu’à la continuité des services publics.

Les conditions d’exercice du droit de retrait s’en trouvent particulièrement contraignantes. Quelles sont ces conditions ? Quelles sont les modalités de mise en œuvre de ce droit ? Quelles sont les conséquences de ce droit ?

La définition du droit de retrait

Les conditions classiques du droit de retrait

L’exercice du droit de retrait est régi à l’article 5-6 du décret n° 82-453 du 28 mai 1982 relatif à l’hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu’à la prévention médicale dans la fonction publique, à l’article 5-1 du décret n° 85-603 du 10 juin 1985 relatif à l’hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu’à la médecine professionnelle et préventive dans la fonction publique territoriale, et à l’article L. 4131-1 du code du travail pour la fonction publique hospitalière.

Le droit de retrait se définit comme le droit de l’agent de ne pas se rendre au travail au motif que la situation de travail présente un danger grave et imminent pour se vie et sa santé ou que les systèmes de protection sont défectueux.

La gravité et le caractère imminent du danger sont deux conditions cumulatives.

Un danger est grave lorsqu’il est susceptible de provoquer un accident, une incapacité permanente ou prolongée, ou une maladie entraînant la mort.

Le caractère imminent est caractérisé lorsque ce danger peut se réaliser dans un bref délai.

Lorsque la situation de travail présente effectivement un danger grave et imminent, la décision de mettre en œuvre le droit de retrait revient exclusivement à l’agent. Elle ne constitue pas une obligation, et personne ne peut l’imposer.

Les conditions du droit de retrait dans le contexte de la crise sanitaire

Bien que la crise sanitaire soit propice à l’exercice du droit de retrait, difficile de justifier son droit de retrait lorsque les fonctions des agents ont pour objet de lutter contre la propagation du virus. Cela est particulièrement vrai pour les sapeurs-pompiers, les agents de police municipale, mais aussi les gardes-champêtres, dont les missions de sécurité des personnes et des biens sont incompatibles avec l’exercice d’un droit de retrait, conformément à l’arrêté du 15 mars 2001.

Aussi, le ministère du Travail considère ainsi que le droit de retrait ne pouvait être justifié par une situation générale de pandémie.

Dans cette lignée, la jurisprudence a pu considérer que l’admission de patients atteints du VIH et de l’hépatite B ne constitue pas un danger grave et imminent. En effet, le Tribunal administratif a réaffirmé qu’il s’agit de la vocation même d’un établissement hospitalier de prémunir les agents et les tiers contre les risques de contagion (Tribunal administratif de Versailles, du 2 juin 1994, inédit au recueil Lebon).

Par ailleurs, pour les enseignants, la circulaire n°2020-059 du 7 mars 2020 dispose que le droit de retrait ne devait s’exercer que de manière exceptionnelle et après une appréciation des situations au cas par cas.

Par conséquent, il est admis que le contexte exige que les conditions du droit de retrait soient interprétées de manière étroite, afin de limiter la désorganisation des services et de maintenir la continuité des services publics.

La mise en œuvre du droit de retrait

Tout d’abord, la mise en œuvre du droit de retrait nécessite un devoir d’alerte : l’agent doit en informer son supérieur hiérarchique.

S’ensuit une phase d’enquête, menée par le comité compétent. Un registre spécial est tenu dans lequel figure un avis daté et signé, comportant : les postes de travail concernés, la nature et l’origine du danger, le nom de la personne concernée, les mesures prises pour y remédier.

En cas de désaccord entre les membres du comité, l’organe chargé de l’inspection des conditions de travail (CHSCT) est réuni dans les 24 h.

Les conséquences de l’exercice du droit de retrait

En cas de danger grave et imminent, l’autorité administrative ne peut imposer aucune sanction disciplinaire ni retenue de salaire à l’agent. Celui-ci est tenu de reprendre le travail dès que la situation a été réglée.

En l’absence de danger grave et imminent, l’agent encourt une retenue de salaire pour service non fait, une sanction pour manquement au devoir d’obéissance ou abandon de poste, et même un licenciement pour abandon de poste sans même bénéficier des droits liés à une procédure disciplinaire dans le cas où une mise en demeure lui a été adressée.