Lanceur d’alerte : comment est-il protégé par la loi ?

La qualité de lanceur d’alerte est reconnue à toute personne physique qui révèle, de bonne foi et de manière désintéressée, une menace grave pour l’intérêt général, une activité illégale ou dangereuse, dont elle a personnellement eu connaissance dans le cadre de sa mission. La divulgation d’informations sensibles a nettement été facilitée par la numérisation des données, la diversification des sources d’information et l’avènement des réseaux sociaux. Si la démarche se présente comme légitime et citoyenne, un encadrement juridique est néanmoins indispensable. C’est ce que prévoit la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. Il en résulte un certain nombre de conditions à respecter et un statut protecteur pour le lanceur d’alerte. Cette protection s’organise tant sur le plan pénal qu’en matière de droit du travail.

La protection pénale du lanceur d’alerte

Lorsqu’il respecte la procédure, le lanceur d’alerte bénéficie d’une protection pénale alors même que sa révélation concernerait une information protégée par la loi.

La révélation d’un secret protégé par la loi

Selon l’article 122-9 du Code pénal, le lanceur d’alerte ne peut être tenu pénalement responsable d’avoir révélé un secret protégé par la loi dès lors que cette divulgation est nécessaire au regard des intérêts en cause et qu’elle est réalisée dans le respect des procédures prévues à cet effet. Certains secrets demeurent cependant inviolables : cette protection ne peut en effet s’appliquer aux révélations portant sur des informations couvertes par le secret de défense nationale, le secret médical ou celui des correspondances entre l’avocat et son client.

Le respect de la procédure d’alerte

La protection du lanceur d’alerte n’est assurée que s’il respecte la procédure décrite en trois temps par la loi. Tout d’abord, le lanceur d’alerte doit saisir son supérieur hiérarchique, son employeur ou un référent désigné en la matière. Les personnes morales de droit public et privé comprenant au moins cinquante salariés, doivent établir des dispositifs d’alerte interne pour recueillir des signalement émis par des membres de leur personnel ou leurs collaborateurs. Chaque organisme est libre de désigner un référent interne ou de faire appel à un prestataire externe. Par la suite, si la personne informée du signalement ne procède pas à la vérification de la recevabilité de l’alerte, le lanceur d’alerte peut s’adresser aux autorités judiciaires, administratives ou aux ordres professionnels. Enfin, lorsque le signalement n’est toujours pas traité dans un délai de trois mois, il peut alors le rendre public.
Toutefois, dans le cas d’un danger grave et imminent, le lanceur d’alerte peut s’affranchir de cette procédure et porter directement ses révélations à la connaissance des autorités et du public.

La confidentialité du signalement

Les procédures mises en œuvre pour recueillir le signalement d’une alerte garantissent la confidentialité de l’identité de son auteur, des informations recueillies et des personnes visées. Ainsi, les éléments de nature à identifier le lanceur d’alerte ou la personne mise en cause ne peuvent être divulgués qu’à l’autorité judiciaire. Le manquement à la confidentialité de ces éléments est sanctionné d’une peine pouvant aller jusqu’à 2 ans de prison et 30 000 € d’amende.

La protection sociale du lanceur d’alerte

De même que l’entrave à la transmission de l’alerte est sanctionnée, la loi pose dans l’article L. 1132-3-3 du Code du travail le principe de non-discrimination d’un employé à la suite d’une alerte.
Il s’agit ainsi d’éviter au lanceur d’alerte un traitement discriminatoire qui viserait, par exemple, à l’écarter d’une procédure de recrutement ou d’une formation professionnelle, à le sanctionner en matière de rémunération ou de promotion, ou enfin à le licencier indirectement sur ce motif. De la même façon, la fonction publique a modifié le régime des fonctionnaires afin de les protéger dans une situation identique contre un traitement inadapté. En contrepartie, la personne qui relate des faits de mauvaise foi, avec l’intention de nuire ou avec la connaissance au moins partielle de l’inexactitude des faits est lourdement sanctionnée.

Depuis le 23 octobre 2019, la protection du lanceur d’alerte a pris une nouvelle dimension européenne. Le Parlement européen et le Conseil de l’UE ont en effet adopté une directive relative à la protection des lanceurs d’alerte dans l’Union. Ce texte oblige les États membres à prévoir des procédures adéquates. Entré en vigueur le 16 décembre 2019, il devrait être applicable en droit interne fin 2021. Il s’agit ainsi de garantir un niveau élevé de protection à tous les lanceurs d’alerte en Europe.