Affaire Expedia | Rejet du déséquilibre significatif

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Dans un arrêt rendu le 8 juillet 2020 par sa Chambre commerciale, la Cour de cassation rejette l’argument du déséquilibre significatif entre Expedia et les hôteliers affilés à sa plateforme. En cause : deux clauses dont le cumul semble déséquilibrer le contrat. Sur les différents points soulevés en par la Cour d’appel de Paris, la Haute juridiction retient la nullité des clauses visées. Elle refuse toutefois de retenir le déséquilibre significatif engageant la responsabilité de la plateforme de réservation en ligne.

Loi de police : pratique restrictive de concurrence

Les contrats mis en cause comportaient une clause désignant la compétence du juge anglais et de la loi anglaise en cas de litige. La compétence de la Cour d’appel de Paris, dans ce litige à dimension internationale, est confirmée par la Cour de cassation. Il en va de même pour l’application de la loi française.

Elle retient en effet que les articles L. 442-1, I, 2° et L. 442-3 du Code de commerce prévoient des dispositions impératives qui constituent une loi de police dont le respect s’impose pour la sauvegarde de l’intérêt public. Par conséquent, dans un litige relatif à des relations commerciales internationales, elles s’appliquent quelle que soit la loi choisie par les parties. En effet, elles sont indispensables au maintien de la loyauté entre les partenaires économiques. Les plateformes numériques ne peuvent donc pas s’affranchir du droit national. Et ce, même lorsque le contrat prévoit la compétence d’un juge étranger et l’application d’une loi étrangère.

Nullité des clauses : entrave à la liberté commerciale et tarifaire

Une enquête diligentée par la DGCCRF avait mis en évidence deux clauses illicites. En effet, les contrats proposés par Expedia aux hôteliers français contenaient des clauses dites de parité et de la dernière chambre disponible. Lorsqu’un hôtelier consent une baisse de prix à sa clientèle directe ou à une plateforme concurrente, la clause de parité exige qu’il fasse bénéficier la plateforme Expédia du même tarif.

Dans une affaire similaire avec la société Booking.com, l’Autorité de la concurrence avait précédemment jugé que la clause de parité constituait un abus de domination. Celui-ci entravait la liberté des hôtels dans leur choix de politique commerciale. Selon la clause dite de la dernière chambre disponible, l’hôtelier qui dispose encore de chambres disponibles doit les accorder au groupe Expedia à son tarif le plus bas. La société bénéficie ainsi d’un alignement automatique des conditions plus favorables et des prix les plus concurrentiels du marché. Outre le paiement d’une commission, elle impose ainsi à l’hôtelier d’amputer sa marge et de modifier sa politique de prix. Certes, la plateforme garantit une belle visibilité des hôtels français à l’international, mais cela ne peut justifier de se soustraire à des relations contractuelles équilibrées. La Cour confirme donc la nullité de ces clauses pour entrave à la liberté commerciale et tarifaire.

Absence de déséquilibre significatif

La Cour d’appel de Paris avait retenu que la combinaison de deux clauses litigieuses créait un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties. Expedia imposant d’une part aux hôteliers des réductions tarifaires sans prendre aucun risque commercial en contrepartie. Et d’autre part, cela limitait la gestion des hôteliers concernant leurs chambres disponibles.

Cette analyse est cependant écartée par la Cour de cassation. Selon elle, la clause impose seulement aux hôteliers de proposer la réservation de la dernière chambre disponible par le canal des sociétés du groupe Expedia, selon une la volonté exprimée par les parties au contrat et sans déséquilibre.

Dans une affaire similaire, le Tribunal de commerce de Paris avait pourtant condamné la société Amazon pour déséquilibre significatif dans ses relations avec les vendeurs inscrits sur sa place de marché. Une décision qui surprend dans un contexte de régulation économique face aux géants du commerce électronique. D’autant plus que le règlement dit P2B, Plateform to Business, du 20 juin 2019 est entré en application le 12 juillet 2020 afin de garantir l’équité et de protéger les professionnels référencés sur les places de marché.