Erreur obstétricale et réparation du préjudice

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L’erreur obstétricale et ses conséquences sur la santé de l’enfant posent de nombreuses questions dans la pratique. Faute professionnelle, calcul des indemnités d’un enfant lourdement handicapé ou mise en évidence le lien de causalité entre le préjudice d’un handicap et la faute médicale… Deux arrêts récents reviennent sur ces questions : l’un rendu le 14 février 2022 par la Cour administrative d’appel de Versailles et l’autre rendu par la Cour d’appel de Paris le 28 octobre 2021.

Recherche d’une faute médicale

Lors d’un incident survenu en salle d’accouchement, les juges se basent sur une expertise médicale afin de vérifier l’existence d’une erreur de l’établissement ou de l’équipe en place. Le point de vue des experts est nécessaire pour faire reconnaître la faute du personnel médical et solliciter une indemnisation pour le préjudice subi.

C’est le cas notamment lorsque les conditions de l’accouchement et le suivi néonatal laissent apparaître une négligence fautive, comme un défaut d’interprétation du monitoring fœtal. L’expertise permet alors de mettre en évidence un manquement de discernement de l’équipe, révélant qu’elle aurait dû prendre les dispositions pour un accouchement d’urgence par césarienne.

Lien de causalité avec la perte de chance d’éviter les séquelles

Comment néanmoins établir un lien juridique entre la négligence médicale et les séquelles neurologiques de l’enfant imputables à l’emploi de ventouse par exemple ? On se base sur le terrain de la perte de chance d’éviter les séquelles. Mais le lien de causalité entre les faits et le préjudice subi par l’enfant fait l’objet de contestations fréquentes en pratique.

Dans l’affaire portée devant le tribunal administratif, le juge considère que les conditions de la naissance et le suivi néonatal sont fautifs, et que ces fautes sont à l’origine d’une perte de chance d’éviter la survenance du dommage à l’origine des séquelles. En appel, le juge administratif confirme l’appréciation du premier juge. Il vise ainsi un retard fautif dans l’extraction du fœtus. Il relève qu’en raison des fautes commises lors de la surveillance de l’accouchement, la victime a subi une asphyxie qui lui a fait perdre des chances d’éviter l’hémorragie cérébrale à l’origine des séquelles. De fait, le déroulement de l’accouchement révèle une faute de nature à engager la responsabilité du médecin.

Dans l’affaire portée devant les instances judiciaires, le juge considère que l’équipe en charge de l’accouchement n’a pas apporté les soins nécessaires à la patiente, en considération des données acquises de la science. Le tribunal retient donc la responsabilité solidaire de l’obstétricien et de la sage-femme. Mais le lien de causalité entre le comportement fautif de la sage-femme et les complications cérébrales de l’enfant est remis en cause devant la Cour d’appel. Si les deux expertises judiciaires s’accordent sur l’existence de fautes de la sage-femme de ne pas avoir appelé de façon réitérée le gynécologue obstétricien, la cour d’appel retient seulement la responsabilité du médecin, fondée sur l’extraction fautive par ventouse et chiffre la perte de chance de l’enfant à 98 %. C’est l’acte du médecin qui est retenu comme celui à l’origine des séquelles de l’enfant. Le juge réfute en revanche un lien de causalité entre la négligence de la sage-femme et l’absence de recours à une césarienne qui aurait permis d’éviter les complications cérébrales.

Réparation du préjudice

Il est difficile de faire une analyse complète du préjudice tant que la croissance de l’enfant n’est pas terminée. Pourtant, même si le dommage n’est pas consolidé, les juges sont en mesure de confirmer les préjudices déjà certains dans leur principe. Ils peuvent ainsi condamner les praticiens responsables au versement d’une indemnité provisionnelle à l’enfant et de sommes à chacun des parents.

La réparation du préjudice peut ainsi englober les difficultés et frais liés à la scolarisation de l’enfant dans un établissement spécialisé, ainsi que les frais d’aide à la personne liée au handicap. De même, le préjudice s’entend du déficit fonctionnel temporaire, comme les troubles sensoriels, de langage et moteurs, et des souffrances temporaires endurées. Enfin, la réparation tient compte du préjudice esthétique lié notamment aux cicatrices.

Allocation d’éducation de l’enfant handicapé

L’AEEF est une aide financière versée aux parents afin de compenser les dépenses liées au handicap de l’enfant jusqu’à ses 20 ans. En principe, le montant de l’AEEH ne doit pas être déduit de l’indemnisation due par le tiers responsable, car cette allocation n’a pas de caractère indemnitaire. Pourtant, le juge administratif considère que ce montant doit être déduit de l’indemnisation allouée à la victime, en vertu des principes qui régissent l’indemnisation par une personne publique des victimes d’un dommage dont elle doit répondre.

Néanmoins, dans le cas d’une réparation fondée sur la perte de chance, l’auteur de la faute peut être tenu de ne réparer qu’une fraction du dommage corporel. Ainsi, la déduction de l’AEEH est exigible que si les montants cumulés de l’indemnisation et de l’allocation excèdent le montant total des frais d’assistance par une tierce personne. Il est donc indispensable que l’avocat procède systématiquement à ce calcul afin de vérifier si la chance perdue peut faire obstacle à la déduction de l’AEEH.

Image: Sharon McCutcheon on Unsplash