L’absence de dol n’exclut pas la possibilité pour l’acheteur de demander réparation de son préjudice

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Par un arrêt de la Cour de cassation en date du 14 janvier 2021, les juges ont réaffirmé la possibilité pour l’acheteur de demander réparation de son préjudice sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle même en l’absence de dol.

Les faits d’espèce

En l’espèce, un couple d’acheteurs a acquis un appartement afin de bénéficier d’un avantage fiscal auprès d’une société de démarchage. Cependant, six années après, logement a considérablement perdu de sa valeur. Cette baisse de valeur était assez importante pour compromettre la rentabilité de cet investissement.

La procédure

Le couple a demandé l’annulation de la vente sur le fondement du dol. En effet, ils considèrent que la société de démarchage, le vendeur, la banque et les sociétés d’assurance, ont gardé le silence de manière intentionnelle sur le manque d’opportunité financière que représentait ce projet immobilier. Par ailleurs, de manière subsidiaire, le couple a demandé réparation pour faute du démarcheur dans son obligation d’information et de conseil.

Si la Cour d’appel a rejeté la demande en nullité, les juges ont néanmoins retenu la perte de chance pour les acheteurs d’avoir pu négocier un investissement plus rentable ou de ne pas contracter. De ce fait, les juges ont condamné le démarcheur à réparer le préjudice subi par le couple d’acheteurs en dommages-intérêts.

La société de démarchage se pourvoit en cassation. En effet, le contrat ayant été maintenu en raison du rejet de la demande en nullité pour dol, elle estime qu’elle ne peut être condamnée pour manquement à son devoir d’information et de conseil. D’autre part, elle considère que la Cour d’appel a privé sa décision de base légale en ce qu’il n’est pas vérifié que le couple d’acheteurs aurait acquis le bien même s’il n’y avait pas eu manquement au devoir d’information et de conseil. Pour finir, elle argue du fait que la Cour d’appel a violé l’article 1382 du Code civil en ce qu’elle n’a pas vérifié, dans l’évaluation de la perte de chance, si les acheteurs n’avaient pas tiré profit de la propriété de leur appartement même déprécié dans leur patrimoine.

La problématique de droit

Un acheteur peut-il demander réparation de son préjudice sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle même en l’absence de dol ?

La solution de la Cour

La Cour de cassation rappelle que l’acheteur peut demander réparation de son préjudice sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle même si sa demande en nullité a été rejetée sur le fondement de la responsabilité contractuelle. D’autre part, la Cour d’appel a souverainement apprécié la valeur de la perte de chance à hauteur de 17 000 euros, sans qu’elle n’eût été obligée de vérifier quelle aurait été la décision prise par le couple en cas de respect par la société requérante de son devoir d’information et de conseil. Par ces motifs, le pourvoi a été rejeté.

L’analyse de l’arrêt

Pour rappel, l’article 1137 du Code civil identifie le dol comme un vice de consentement au même titre que l’erreur et la violence. Les acquéreurs invoquent plus précisément la réticence dolosive, étant entendue comme le silence qu’aurait gardé intentionnellement la société de démarchage sur le manque de rentabilité de cet investissement immobilier.

En invoquant le dol, les acquéreurs se sont placés à titre principal sur le terrain de la responsabilité contractuelle. En effet, ils ont demandé l’annulation du contrat, mais les juges d’appel n’y ont pas fait droit. Par ailleurs, en invoquant la perte de chance qu’ils auraient subi d’effectuer un investissement plus rentable ou de ne pas contracter, ils se sont placés également sur le terrain de la responsabilité quasi-délictuelle : c’est ce que permet l’article 1178 alinéa 4 du Code civil.

Par conséquent, le pourvoi de la société requérante apparaît tout à fait vain considérant que l’article 1178 alinéa 4 du Code civil autorise les demandeurs à agir à la fois sur le terrain contractuel et celui extracontractuel. La jurisprudence également l’a plusieurs fois réaffirmé.

(Voir sur les mêmes sujets Cass. 1e civ. 25-6-2008 n° 07-18.108 F-PB et Cass. 3e civ. 11-1-2012 n° 10-23.141 FS-PB : BPIM 2/12 inf. 138).

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