Cour criminelle | Où en est-on de l’expérimentation ?

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La loi du 23 mars 2019 instaure une réforme pour la justice, avec une programmation jusqu’en 2022. Parmi les mesures mises en place par le législateur, on compte la création de cours criminelles. Depuis plusieurs mois, celles-ci sont expérimentées dans plusieurs départements français. Cette instance fait débat, car elle permet de juger de crimes sans faire appel au traditionnel jury populaire. Plus largement déployée au plus fort de la crise sanitaire, afin de permettre à la justice de fonctionner alors que les jurés n’avaient plus la possibilité de se déplacer, la cour criminelle reçoit un accueil mitigé des professions judiciaires. Voici un point sur le fonctionnement de cette nouvelle juridiction et de son expérimentation.

Cour criminelle : organisation

La composition des juridictions compétentes

La cour d’assises, compétente en matière de crime de droit commun, est composée de :

  • trois juges professionnels :
    • le président
    • deux assesseurs
  • de six jurés tirés au sort parmi les citoyens.

Cette juridiction étant très engorgée, la réforme de la justice a souhaité mettre en place un système plus efficace afin d’accélérer les procédures. Le législateur a donc prévu de lui substituer la cour criminelle, dans le cas de certains crimes. Cette nouvelle instance est constituée d’un collège de 5 magistrats professionnels, excluant le traditionnel jury populaire. Parmi ces magistrats, jusqu’à deux membres peuvent être magistrats honoraires.

L’objectif de la cour criminelle

Cette nouvelle organisation tend à apporter plus de souplesse aux procédures et à gagner en efficacité. L’objectif est ainsi de permettre un jugement plus rapide des crimes et de lutter contre un phénomène grandissant de « correctionnalisation ».

En effet, on observe aujourd’hui une tendance à requalifier certains crimes en délits, afin d’être jugés plus rapidement en correctionnelle. C’est notamment le cas de viols, régulièrement requalifiés en agressions sexuelles. La cour criminelle permet de conserver une dimension solennelle, tout en assurant une procédure plus rapide.

En pratique, elle connaît des jugements en premier ressort de personnes majeures accusées d’un crime puni de quinze ans ou de vingt ans de réclusion, en dehors des cas de récidive.

Compétence : expérimentation de 3 ans

Les cours criminelles ont été mises en place à titre expérimental, pour une durée de trois ans. Un premier arrêté du 25 avril 2019, puis un second texte du 2 mars 2020, ont organisé cette expérimentation dans les neuf départements que sont :

  • les Ardennes,
  • le Calvados,
  • le Cher,
  • la Moselle,
  • la Réunion,
  • la Seine-Maritime,
  • les Yvelines,
  • l’Hérault
  • les Pyrénées-Atlantiques.

Le 17 juin 2020, après des débats parlementaires mouvementés, la loi relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire et à d’autres mesures urgentes, porte à 18 le nombre de départements pouvant faire l’objet de cette expérimentation. Ainsi, un nouvel arrêté du 2 juillet 2020 en a encore étendu le champ d’application en créant des cours criminelles dans six départements supplémentaires (l’Isère, la Haute-Garonne, la Loire-Atlantique, le Val-d’Oise, la Guadeloupe et la Guyane).

Avant de faire ses preuves, cette réforme va faire l’objet d’une analyse, afin d’aménager et d’améliorer son fonctionnement dans le temps. La Commission des lois doit en effet créer une mission d’information chargée d’évaluer l’expérimentation des cours criminelles. Ses travaux doivent débuter en septembre afin de rendre des conclusions avant la fin 2020.

Accueil mitigé du milieu judiciaire

La cour criminelle est loin de faire l’unanimité dans le milieu judiciaire. Déployée dans un contexte de crise sanitaire, la cour criminelle a fait peur. Aujourd’hui, elle trouve d’autant moins de justifications que rien n’empêche désormais les jurés de se déplacer pour assister aux audiences. Magistrats et avocats craignent en effet que l’accélération des procédures se fasse au détriment de la qualité du débat judiciaire.

Les avocats, notamment, s’inquiètent pour les droits de la défense. Peuvent-ils être bien assurés dans une procédure où l’oralité perd sa place ? De manière générale, on s’interroge également sur la question de la régression démocratique dès lors que le jury populaire disparaît. Les jurés sont en effet garants d’une certaine indépendance.

On rappelle pourtant que la cour criminelle ne signe pas la fin des jurys populaires puisqu’ils continuent d’intervenir en appel et pour les affaires plus graves. De même, le rôle de l’avocat reste fondamental, mais il doit désormais adapter son discours à un nouveau public uniquement fait de magistrats.

La cour criminelle répond avant tout à un souci d’efficacité. La Cour européenne sanctionne régulièrement la France concernant le délai de ses procédures en assises. Elle rappelle que l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme dispose que « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal. »

C’est donc bien la volonté de raccourcissement des délais qui prime et dont il devra être jugée au bout de la période d’expérimentation.