Annulation des vols et COVID 19 : pourquoi l’avoir est généralisé ?

Votre vol pour Londres a été annulé pendant la crise du COVID 19 et la compagnie aérienne vous a proposé un avoir commercial ? Votre cas n’est pas isolé. Pourtant, la complexité des offres de transports aériens se heurte à une difficulté juridique de taille : si l’ordonnance du 25 mars 2020 autorise la remise d’un avoir pour une prestation de voyage avec vol inclus au motif des circonstances exceptionnelles actuelles, il existe un vide juridique concernant les vols « secs ». En effet, le règlement européen n°261/2004 relatif aux droits des passagers aériens dispose qu’en cas d’annulation, la compagnie aérienne a l’obligation de rembourser son client sous 7 jours. La bataille juridique se fera dans les prochains mois sur la base de cette illégalité de fait. Voici les arguments à prendre en compte pour défendre les droits du consommateur en attendant un positionnement jurisprudentiel et juridique clair.

Le droit européen en faveur du consommateur

Le règlement européen n°261-2004, adopté en 2005 par le Conseil de L’Union Européenne et le Parlement Européen, a octroyé au consommateur européen une protection et un droit au remboursement en cas d’annulation par la compagnie aérienne. En effet, la compagnie est dans l’obligation de rembourser intégralement le prix du billet dans un délai de 7 jours. Cela concerne les voyages non effectués et les parties de voyage devenues inutiles au regard du projet de voyage initial.
La législation européenne prévoit également une indemnisation en cas de préjudice subi conséquemment à l’annulation non issue de circonstances extraordinaires. Cette indemnisation est propre à chaque consommateur et proportionnelle à l’étendue du dommage. En l’occurrence, la crise sanitaire du COVID 19 entre bien dans le champ d’application du règlement en sa qualité de « circonstance extraordinaire », et le consommateur ne peut prétendre à aucun dédommagement.
Il faudra alors se référer aux conditions générales de vente de votre compagnie et étudier les clauses contractuelles prévoyant une indemnisation des dépenses personnelles engagées suite à l’annulation.

La demande de remboursement en cas de non-utilisation de l’avoir

Si la proposition d’un avoir ne vous satisfait pas et que vous êtes résolu à demander un remboursement, voici les démarches à effectuer :

  • L’annulation du vol doit être faite à l’initiative de la compagnie aérienne : attendez un mail de confirmation de l’annulation.
  • Faites une demande de remboursement par écrit avec accusé de réception afin de conférer un caractère juridique à votre demande.
  • Mentionnez bien que vous refusez l’avoir proposé et que vous souhaitez être remboursé, en citant ci-besoin les clauses contractuelles des conditions générales de vente en votre faveur.
  • Vous pouvez attendre la fin de validité de l’avoir et demander un remboursement si la compagnie vous accorde cette possibilité à l’occasion de l’annulation.

Vous pourrez également invoquer l’article L224-66 du Code de la consommation afin d’exiger le remboursement des taxes aéroportuaires que les compagnies ne font que récolter pour le compte des aéroports.
Si la compagnie aérienne n’est pas européenne ou que le vol de départ n’est pas prévu dans l’Union Européenne, vous pourrez invoquer les Conventions de Varsovie et de Montréal qui sont toutefois moins protectrices que le règlement européen précité.
En tout état de cause, les circonstances exceptionnelles actuelles imposent un confinement de la majeure partie de la population mondiale, ce qui a pour conséquence un dysfonctionnement important des services de réclamations clients. A mesure que la trésorerie des compagnies s’amenuise, les chances d’obtenir un remboursement baissent considérablement. Certains gouvernements européens (Allemagne, Pays-Bas) autorisent officiellement par décret les compagnies à proposer un avoir. Le droit national devient alors contraire au droit européen qui garantit au consommateur un remboursement automatique, alors même qu’un règlement européen a une valeur juridique supérieure à un décret national. Cependant, ce décalage juridique s’explique par l’urgence de la situation. Afin d’éviter les faillites en chaîne des compagnies aériennes, les gouvernements tentent un sauvetage de trésorerie en autorisant la délivrance généralisée d’un avoir.
Les associations de consommateurs se réunissent actuellement pour tenter une action commune en remboursement. Il peut être judicieux de se joindre à cette action collective pour augmenter ses chances d’obtenir un remboursement.

Un cas jurisprudentiel : les circonstances « particulièrement exceptionnelles »

La pandémie du Coronavirus est sans précédent. Pour autant, des catastrophes naturelles ont déjà fait l’objet d’un arrêt de la Cour de Justice de L’Union Européenne. C’est le cas pour l’éruption soudaine du volcan islandais Eyjafjallajökull. En effet, ce volcan est entré en phase explosive 14 avril 2010, paralysant ainsi tout l’espace aérien de plusieurs états-membres, ce qui représente 10 millions de passagers et 100 000 vols. La Cour de Justice, dans son arrêt du 31 janvier 2013 Denise McDonagh contre Ryanair Ltd, a refusé d’établir l’existence d’une catégorie d’événements « particulièrement extraordinaires » qui exonère les compagnies aériennes de leurs obligations de transport, et donc de remboursement en cas d’annulation.
Le cas du COVID 19 n’est certes pas semblable, car il concerne l’ensemble du marché aérien mondial. Cependant, les actions en justice vont se multiplier et le juge européen devra se prononcer sur l’établissement (ou non) d’une théorie de circonstances particulièrement extraordinaires au sujet de la paralysie internationale de l’espace aérien.